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Le billetd’Édouardde Frotté Le billetd’Édouardde Frotté

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En mai 68, on criait : « Métro, boulot, dodo, y’en a marre ». J’ai vu des étudiants sortir frustrés des universités. « Dans sa cambrousse, disait une fille, papa, lui aussi, demeure esclave de son travail. Il devrait équiper sa ferme et se cultiver. » Je suis allé voir papa dans sa cambrousse ; il disait : « Tous ces étudiants qui gueulent et ne foutent rien, y a qu’à les mettre au boulot. Ils verront ce que c’est ! » Le temps s’est écoulé et, récemment, j’ai rencontré un maçon retraité. Il m’a dit : « Dans ma carrière, j’ai formé dix jeunes, mon fils n’en formera pas un. Il préfère se débrouiller seul. Il dit que les apprentis bercés par la pub s’imaginent que le boulot n’est qu’un mal nécessaire parmi les loisirs ! » Attestation bien sûr exagérée, mais je me garderai d’arbitrer entre ceux qui souhaitent entrer dans l’entreprise et ceux qui veulent y trouver la sécurité. Toutefois, je constate que pour les jeunes désireux d’efficacité, l’accès y est aujourd’hui particulièrement difficile.

L’histoire nous montre cependant que si le progrès n’a cessé de perturber le travail, les entreprises devenues inadaptées étaient toujours remplacées par d’autres plus sophistiquées. Certains disent maintenant que l’intelligence artificielle et la robotique, remplaçant totalement l’individu, cesseront d’engendrer le travail. On peut en douter car, outre qu’il faudra des cerveaux humains pour concevoir ces innovations, on n’imagine pas de tels progrès aptes à résoudre le vaste domaine des relations humaines, de la formation, du bien-être à l’échelle planétaire… Passant du travail à l’emploi, si on ne gagne plus son pain à la sueur de son front, on tend à le gagner à la limite de ses nerfs. Et pour rendre la vie apaisée sur notre planète, il y a encore plus de « boulot » que pour tirer papa de sa cambrousse.

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